" En passant "
Si l'Art est le témoin des sociétés qui, perpétuellement, se renouvellent, il est juste fait qu'il fasse de même. Nos cultures sont nos différences. Les rythmes d'évolution s'étendent ou précipitent sous des ciels aux influences certaines. Aussi, la lumière, par les moirés qu 'elle répand, n'a pas d'égale que l'on soit en Touraine, en Flandre ou en Berry. Il est des climats pour la palabre et, plus loin, où se taire. Ici, apparaître, ailleurs, disparaître. C'est selon, sans doute, le besoin d'y survivre.
L'Art, aujourd'hui émancipé, donne à voir plus que l'on ne pourrait espérer. Il n'est plus un village qui n'abrite un peintre, un sculpteur, un céramiste ou une association vouée à une pratique artistique. Pourtant, c'est un flou dominant qui flotte, telles les volutes d'une ignorance revendiquée, dans l'esprit de la majorité de nos contemporains dès qu'il s'agit de porter un jugement ou, simplement, donner un avis quand ils découvrent.
Jadis, aidés par des critiques d'influence et des médias curieux, ceux-là même qui, aujourd'hui devenus corporatistes ou désintéressés, semblent avoir démissionné de cette tâche, perdus devant l'immensité du territoire qu'il leur fallait couvrir, le public ne sait plus très bien ce que le mot « artiste » sous-entend. Est-ce celui ou celle qui pratique temporairement une activité artistique ? Auquel cas, nous pourrions tous nous revendiquer de cette dénomination au sortir d'un croquis raté ou de la fabrication d'une pizza napolitaine sans câpres ; ou est-ce un statut extraordinairement difficile à obtenir tant les critères propres à le définir sont nombreux. Hormis la notion de travail dans la continuité
et la persévérance, de compétence en la matière, hormis les qualités humaines à servir l'émotion, il est une évidence utile, que je veux ici transmettre, pour démasquer l'artiste du faux. Il sait de quoi il parle...même quand il s'agit de dépeindre la face cachée de la lune.
Louis Jourdan sait de quoi il parle, j'en ai la certitude et cela, quelle que soit la ponctuation dont il use, le silence qui opère sur la toile, et la mémoire de la distance parcourue. « Les alentours », Louis les a visités comme Morandi aurait pu visiter ses flacons, sans doute, avant de restituer, outre le contour ou la forme sur laquelle la lumière agit, l'essentielle substance qui déguise de parfum l'alentour choisi. De quel philosophe, musicien ou psychanalyste, la phrase « ce sont les silences qui en disent le plus » peut elle se revendiquer ? De quel peintre ? Comme chez Hopper où le silence offre au bruit la profondeur de l'espace et de ceux qui l'habitent, « Les alentours » de Jourdan suscitent la présence, tout au moins la sienne, en peignant, comme on lisse la vallée, le profil de l'endroit dans le sens du passage. Désormais, Louis cavale. Il cavale mais à pas lent et personne ne semble s'en plaindre. Il cavale et il sème, en sillons, les promesses de nos émotions partagées. « ...par ces paysages, je cherche à identifier un infini invisible qui est en nous et qui nous rattache, qu'on le veuille ou non, au monde où nos pas se perdent. »
Olivier Marquet à St-Hippolyte, septembre 2014