« Mirages «
L'instable est une boule sous nos pieds qui ne cesse de tourner. C'est très perturbant, à dire vrai, d'envisager qu'il nous faudra dépenser chaque jour bien des énergies pour se tenir debout.
On se lève le matin pour résoudre un mystère, frottant nos yeux bien fort afin de les soustraire aux opacités de la nuit. On se lève le matin, aveuglé comme un nouveau-né qui saurait déjà que crier ne vaut rien, enfin rien, là où le cri ne ressemble qu'au cri.
Pendant ce temps, le mystère, lui, profite de nos évanouissements pour prendre le large, se dissimuler bien au-delà du devant de nos yeux.
Il nous faudra marcher, alors, nous marchons.Il nous faudra accepter, ou néanmoins admettre, que les murs nous traversent et l'on revêt, tout le long du jour, des habits de poussières fines.
Aussi, pour rendre la marche meilleure, il nous faudra se déshabituer de l'objet, se délester de l'inutile et ne garder en mémoire que les contours de son ombre. Le plan, c'est le devant soi. La boussole, l'au-dessus.
A peine avons nous touché le premier horizon, le mystère se fait connaître, annonce ses méandres et donne une nouvelle ligne. Il ne s'agit plus, là, de voir, mais de percevoir, de vaincre l'instable par le rythme.
Nous avançons, illusionnés de toute part comme nous traverserions un tableau de Tal Coat. Les transparences du milieu dans lesquelles plonger, à présent, n'est pas vain. Goûter la vague primitive, c'est déjà entrevoir le mystère.
La marche est une torture dont, seul, l'esprit s'accommode. L'épuisement des sens corporels lui donne ainsi plus d'espace encore pour se répandre. La perception de la lumière se fait, alors, plus subtile.
Nous avançons, désormais, dans la mouvance du rayonnement, allant à l'essentiel, guidés de troubles, apparitions-disparitions et mirages. L'instable, lui-même, semble s'être rompu, dégagé de toute hésitation.
Plus nous marchons, plus le corps crie son vouloir d'arriver. Mais l'esprit, lui, ne dicte que son désir de partir, si peu de l'espace qu'on lui concéderait, comme quand nous traversons un tableau de Herrström.
Olivier Marquet
Saint-Hippolyte, juin 2013
saint-hippolyte
C'est un travail de photographies, de tirages monotypes à la presse ou à la cuillère, et des dessins. Tout en noir et blanc, axé sur le double, la transparence, le décalage, la répétition, la symétrie. C'est un travail sur le paysage et quelques idées autour des phénomènes optiques et de la vision, précise Madlen Herrstrôm. Pour la quatrième fois, cette jeune Suédoise, qui vit depuis sa naissance en France, expose à la Métisse d'argile. Des études aux Beaux-Arts d'Aix-en-Provence, Paris, New York, en Suède… « La diversité des cultures, ça ouvre des perspectives », aime-t-elle répéter. Parcourant le monde pour étudier, elle le parcourt aussi pour exposer : Suède, Chine, Belgique, Maroc, Bulgarie… Sans oublier Paris, Tours et Saint-Hippolyte ! Ces œuvres sont basées sur une recherche autour des découpages et des tamponnages, des pliages, des contournements de formes, et de la ligne. « C'est le paysage en tant qu'image qui me hante. Je vais dans plusieurs directions à la fois très naturellement, et c'est dans ces conditions que je crée et que j'avance, avec mes doutes mais aussi mon fil rouge ». Dans les photos, elle redessine les lignes ou inscrit un mot ou une phrase. Elle gratte, elle efface. Elle travaille ses gravures monotypes soit sur du bois très souple, du balsa, afin d'y dessiner et d'obtenir quelque chose qui se rapproche d'une pointe sèche ; ou bien elle découpe des morceaux de bois, de carton ou autre, avec lesquels elle compose ensuite ou bien qu'elle utilise seuls, tels un tampon. « Mes dessins blancs sur calque sont des lignes de paysages superposés et décalés comprenant un dessin à l'envers et à l'endroit du papier, afin d'obtenir une sensation de fluidité dans la vision telle que je la ressens durant mes marches dans la montagne, élément déclencheur de ce travail paysager ».Ses dessins noirs sont, quant à eux, plus statiques. « Le noir velours enveloppe et complète mon idée de « positif-négatif » face aux calques blancs. » Toutes les œuvres présentées, sauf trois élaborées en Chine, ont été spécialement pensées et créées pour être présentées dans la galerie d'Olivier Marquet. La Métisse d'Argile, rue du Château, Saint-Hippolyte. Ouvert jusqu'au 30 juin, du vendredi au lundi, de 15 h à 19 h. Courriel : lametisse@orange.fr tél. 09.66.85.60.67. Accédez à l'intégralité de cet article sur www.lanouvellerepublique.fr |